Numéro 50 Bulletin épidémiologique
Editorial
Après le numéro conjoint entre le Bulletinépidémiologiquehebdomadaire (BEH) et le Bulletinépidémiologique Anses-DGAL consacré aux risques zoonotiques paru en mai 2010, voici un nouveau numéro conjoint dédié aux risques microbiologiques alimentaires.
Il s’agit d’une problématique aussi importante que complexe. Importante car, si la maîtrise de l’hygiène alimentaire n’a jamais atteint un tel niveau dans notre pays, plusieurs dizaines de milliers de cas de toxiinfections alimentaires (TIA) sont malgré tout répertoriées chaque année. Complexe par la difficulté d’estimer et de maîtriser le risque tout au long de la chaîne de production, « de la fourche à la fourchette » selon la formule consacrée, et ce pour des filières alimentaires complexes et très diverses. Plusieurs raisons peuvent être invoquées.
La première raison tient à la difficulté d’estimer quantitativement la présence de micro-organismes potentiellement zoonotiques à la source, c’est-à-dire chez l’animal et dans l’aliment. Bonnombre de bactéries à l’originedeTIA sontdes bactéries ubiquitaires largementprésentes chez lesanimaux (Campylobacter, Escherichia coli), faisant souvent partie de la flore commensale, n’entraînant donc en général aucun trouble visible chez les animaux. Il peut également s’agir de bactéries telluriques (Listeria) pouvant souiller les produits animaux tout au long de la chaîne de production. Dans ces conditions, on comprend que les plans de surveillance visant à estimer la présence de ces bactéries chez les animaux peuvent difficilement fournir une image représentative de la situation auniveau de l’aliment. Mais il en est de même des plans de surveillance des aliments qui doivent, en théorie, estimer la présence d’unensemble d’agents zoonotiques dans unemultitude d’aliments, produits en France ou importés, représentant une infinité de « lots de production ».
La deuxième raison est liée au fait que la présence de tel ou tel agent pathogène ne suffit pas à établir le risque. Pour les bactéries par exemple, ladétermination de l’espèceest souvent insuffisante. Il est nécessaire d’apprécier la virulenced’un isolat pour l’Homme, cequi nécessite, quand les déterminants sont connus (gènes devirulence, certains sérotypes, certains génotypes, etc.) des analyses de biologie moléculaire et de génomique qui ne peuvent pas être mises en oeuvre en routine. L’appréciation de ce potentiel de virulence est pourtant parfois nécessaire à l’estimation du risque. Ainsi ce type d’études sur les Escherichia coli producteurs de shigatoxines (STEC) a montré que seul un nombre restreint de STEC étaient des E. coli entéro-hémorragiques (EHEC) responsables d’infections chez l’Homme.
La troisième raison tient à la difficulté de maîtriser le risque tout au long de la chaîne alimentaire. Au niveau de l’animal, si la présence de certaines bactéries peut être contrôlée (Salmonella) par des mesures de biosécurité visant à contrôler l’introduction des agents infectieux dans les élevages, il faut bien considérer qu’une grande partie des animaux sont élevés en plein air, et sont naturellement et normalement exposés à des microbes. Dans ce cas, la maîtrise au niveau de l’animal n’a pas de sens, elle doit être reportée au niveau du process de production des aliments. Or, le développement des aliments préparés crée unemultitude de risques, à chacune des étapes de l’abattage, du transport des «matières premières », de la fabrication, du conditionnement, du transport et du stockage duproduit fini avant consommation. Au risque lié à lamatière première s’ajoutent des risques inhérents au process (y comprisdes risques de contaminationd’originehumaine tout au long de la chaîne de production) démultipliés par le volume des lots de production («mêlées » de plusieurs centaines de kilos de viande hachée dont un lot de départ est contaminé). Si les procédures qualité (HACCP) et les autocontrôles mis enoeuvre par les industries agroalimentaires (IAA) permettent globalement de mieuxmaîtriser les risques, il est clair que la garantie absolue ne peut pas être apportée à chaque lot d’aliments produits.
Enfin, la dernière raison tient aux pratiques alimentaires et culinaires. Au-delà du fait que le développement de l’alimentation collective, couplée à l’utilisation accrue d’aliments préparés, augmente « mécaniquement » les risques d’exposition, les pratiques individuelles peuvent aussi engendrer un risque. La consommation de plus en plus fréquente de produits d’origine animale peu ou pas cuits (steak haché « tartare » (de viande ou de poisson, oeufs) contribue à faire évoluer les risques. Plus globalement au niveau de chacun, toutes les phases de conservation, de préparation et de cuisson des aliments peuvent contribuer à l’exposition du consommateur, voire amplifier un risque préexistant.
Le présent numéro a donc pour objet de faire un point des connaissances pour certains des risques microbiologiques alimentaires liés aux produits d’origine animale les plus importants, à la fois sur le plan de la situation épidémiologique et sur le plan des dispositifs de surveillance.
Le comité de rédaction BE–BEH